Repenser la tarification

Intermodalité en Alsace CC BY-SA Arnaud DIETRICH
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La période des fêtes de fin d’année vient de se terminer et comme chaque année, des milliers d’Alsaciens et de touristes sont venus de partout pour visiter les marchés de Noël. Nombre d’entre eux ont utilisé les transports en commun pour venir jusque chez nous, mais combien ont rencontré des difficultés lorsqu’il fallait acheter des tickets pour prendre le train, le bus ou le car ? La faute à une tarification parfois complexe, plus ou moins variée selon les agglomérations et les réseaux.

Une problématique régionale

Cette problématique concerne toute l’Alsace et même les trois régions qui formeront dès le 1er janvier 2016 ce que l’on nomme parfois ALCA (Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne). Avec la réforme en cours de préparation, la région deviendra l’autorité organisatrice des transports régionaux (TER) et des ex-transports départementaux (autocars). Cette réorganisation des compétences doit être l’occasion de mieux articuler les réseaux ferroviaires et routiers aussi bien en ville qu’à la campagne.

Parmi nos idées pour développer les transports en commun à l’échelle régionale, l’association TC Alsace souhaite repenser l’offre tarifaire des différents réseaux dans la région. Notre idée consiste à uniformiser les titres de transport et leurs prix pour toutes les lignes quels que soient la ville et l’exploitant. Ainsi, un même ticket ou un même abonnement serait valable que l’on utilise les services de la CTS à Strasbourg, du TER Champagne-Ardenne, ou du réseau interurbain Ted de Meurthe-et-Moselle.

La tarification zonale une solution pour nos territoires

Étant donné l’étendue du territoire et les contraintes budgétaires dues au bon fonctionnement d’un service de transports en commun, il est nécessaire de présenter une tarification zonale, c’est-à-dire une tarification se faisant par zones rassemblant plusieurs communes. Cette dernière est de type « alvéolaire », le découpage des zones se fait donc en alvéoles chacune centrée sur une ou plusieurs localités attractives. Une zone pour Nancy, une autre pour Troyes ou encore pour Guebwiller.

Ces zones tarifaires sont délimitées le plus souvent en fonction des limites des différentes structures intercommunales (communautés de communes, d’agglomération et urbaines et métropoles). Ce découpage permet de ne pas modifier en profondeur les zones tarifaires en milieu urbain basé sur les limites intercommunales (réseau CTS pour Strasbourg Eurométropole par exemple).

Il est aussi plus compréhensible pour les usagers, ceux-ci ayant une meilleure connaissance des limites de leur intercommunalité par rapport à un découpage zonal qui n’en tiendrait pas compte. Il permet aussi d’avoir des zones cohérentes par rapport aux déplacements courants de la population (les déplacements domicile-travail, domicile-études, les déplacements pour les courses, les loisirs, les formalités administratives ou de santé se faisant souvent à proximité de chez soi ou à l’échelle de quelques communes). Cela permet à une bonne part de la population de voyager dans des zones cohérentes par rapport à leurs besoins et pas trop étendues afin de garder des prix attractifs.

La tarification zonale que nous proposons est aussi adaptée à la réalité économique de l’exploitation d’un système de transports puisque les distances les plus longues sont aussi les plus chères. Ce dernier point, permet aussi d’encourager les personnes à limiter les phénomènes de rurbanisation autour des grandes villes qu’ils peuvent engendrer et à privilégier ainsi l’implantation locale. Nous nous opposons donc au principe de tarification unique à l’échelle régionale comme ce que propose le Conseil Régional d’Ile-de-France, aberrant aussi bien du point de vue de l’exploitant (un trajet de bus entre deux arrondissements parisiens coûte-t-il autant qu’un trajet de Transilien de Paris à Provins ?) que du point de vue écologique, la mesure confortant la population dans l’idée de s’installer à 40 km de Paris et de faire 1h30 de trajet à l’aller et au retour pour travailler.

Enfin, la tarification régionale peut facilement évoluer en permettant d’accueillir de nouveaux territoires notamment en Allemagne ou encore au Luxembourg qui souhaiteraient intégrer leurs lignes à la politique tarifaire régionale.

Avantages et inconvénients de cette réforme

Plusieurs bénéfices sont apportés par l’unification des titres de transport :

  • Faciliter la multimodalité à l’échelle régionale en ayant recours à une seule gamme de tickets et d’abonnements ;
  • Simplifier les transports pour les utilisateurs avec des titres de transports unifiés et donc moins nombreux ;
  • Unifier les tarifs et les conditions d’utilisation (gratuité et tarifs réduits pour certaines catégories de personnes) ;
  • Accès aux transports en commun facilité pour les touristes cherchant à visiter plusieurs lieux au cours d’un séjour et pour les gens de passage (journée shopping ou balade de week-end à Strasbourg faite par des Lorrains par exemple) ;
  • Économies d’échelle faites pour l’achat des distributeurs de tickets, valideurs, gestion des technologies numériques (boutique en ligne…), tickets…

Difficultés potentielles :

  • Augmentation des tarifs dans certaines parties de la région par rapport à la tarification en vigueur justifiables par l’ouverture de tous les modes de transport à l’intérieur de chaque zone tarifaire ;
  • Modification des titres de transport pouvant provoquer une gêne temporaire pour certains usagers.

Faciliter l’utilisation des transports en commun

Avec cette harmonisation, il sera possible de faciliter l’utilisation de tous les modes de transport à disposition des usagers. En effet, en milieu urbain, les habitants disposent non seulement des habituelles lignes urbaines, mais aussi des lignes départementales voire des lignes régionales.

Malheureusement, l’offre départementale et l’offre régionale pourtant bien présente dans le paysage est rarement utilisée par les usagers urbains et ce pour plusieurs raisons. Parfois, il n’y a pas d’accord entre autorités organisatrices pour autoriser l’accueil des usagers urbains. Il faut donc un deuxième abonnement qui coûte cher pour un trajet généralement court. L’idée de prendre un car en milieu urbain n’est donc même pas envisageable dans ces conditions. Toutefois, il existe parfois des accords, mais l’utilisation de ces services est souvent peu évidente. En cause, des gammes tarifaires spécifiques localisées à quelques lignes seulement avec des possibilités de combiner les moyens de transports plus ou moins variés.

Par exemple, la gamme Attitudes mise en place avec l’arrivée du tram-train mulhousien permet de combiner bus, car, tramway, tram-train et TER. Mais cette gamme tarifaire comprend plusieurs zones tarifaires assez exiguës impliquant des changements de prix rapides. De plus, elle ne propose pas tous les titres de transport que propose habituellement Soléa. Autre particularité : il est possible d’utiliser ces titres de transport non seulement dans les communes desservies par le tram-train mais aussi dans les communes des alentours. Soléa sur son site internet ne fait qu’évoquer vaguement cette possibilité sans l’expliquer et ne s’occupe que du tram-train. Le site internet du CG68 ne l’évoque même pas. Quant au site internet Vialsace, il ne détaille pas plus que Soléa. L’utilisation de ces tarifs est donc peu évidente pour certains usagers qui utilisent les autocars avant d’utiliser le tram-train.

Il existe de nombreuses gammes de tarification combinée. Rien qu’en Alsace en plus d’Attitudes, on peut citer ALSA+ qui a le mérite d’être valable partout en Alsace, EuroPass pour aller en Allemagne depuis Strasbourg, Dual M pour aller de Mulhouse à Freiburg avec les réseaux Soléa, TER, DB et RVF ou encore les offres combinant la voiture et les transports en commun avec Citiz ou Auto’trement. Ces nombreuses offres cohabitent les unes à côté des autres et donnent beaucoup de nouvelles possibilités pour les usagers, mais cette multiplicité des offres finit par rendre les offres assez illisibles du fait de modalités d’utilisation peu harmonisées, d’un manque d’information voyageur et d’une aire géographique de validité trop restreinte.

Créer une tarification commune à tous les réseaux permettra donc d’augmenter les possibilités de combiner les différents modes de transport afin de faciliter la multimodalité, encore trop complexe actuellement.

La tarification commune permettra aussi de faciliter l’usage occasionnel d’un réseau que nous n’utilisons pas en temps normal. Ainsi, un habitant utilisant régulièrement les bus du réseau Le Met’ à Metz retrouvera plus rapidement ses marques lorsqu’il souhaitera utiliser le réseau Stan à Nancy pour un jour de shopping. De même, des touristes souhaitant découvrir les villes et villages alsaciens pourront faire l’intégralité de leur visite en transport en commun très facilement grâce à une offre tarifaire unifiée.

Uniformiser la gamme billettique

Voici quelques titres de transport qui pourraient être envisageables pour se déplacer sur tous les réseaux. Tous les titres de transports sont valables pour une ou plusieurs zones tarifaires selon nos besoins.

Pour les tickets destinés à un usage occasionnel (possibilité de charger ces titres sur une carte sans contact ou sur son smartphone) :

  • Un ticket « 1 voyage » valable 1h30 avec aller-retour autorisé dans l’heure ;
  • Un ticket « Duo » valable dans la journée permettant un aller-retour dans la journée ou un aller à deux dans la limite d’1h30 par trajet ;
  • Un carnet de 10 tickets « 1 voyage » ;
  • Un ticket « Découverte » pour des trajets illimités dans la journée
  • Un ticket « P+R » pour les automobilistes garant leurs véhicules dans des parkings ; spécifiques et utilisant ensuite des transports en commun. Jusqu’à 7 passagers avec un aller-retour autorisé dans la journée ;
  • Un ticket « Famille » pour un aller d’1h30 maxi jusqu’à 5 personnes ;
  • Un ticket « Ozone » pour des trajets illimités dans la journée les jours de pollution.

Pour les abonnements destinés à un usage régulier (chargement de ces titres sur carte sans contact ou sur smartphone uniquement) :

  • Un abonnement « Junior » pour les enfants à partir de 6 ans et jusqu’à la fin du lycée ;
  • Un abonnement « Jeunes actifs » pour les étudiants et les jeunes actifs jusqu’à 25 ans inclus ;
  • Un abonnement « Liberté » pour les personnes de 26 à 64 ans inclus ;
  • Un abonnement « Senior » pour les personnes ayant 65 ans ou plus;

Ces abonnements sont tous mensuels ou annuels.

  • Un abonnement « 3 jours » pour les personnes souhaitant utiliser momentanément le réseau notamment pour les touristes en week-end;
  • Un abonnement « 7 jours » pour les personnes souhaitant utiliser momentanément le réseau
  • Des abonnements combinés vélo en libre service + transports en commun et voiture en libre-service + transports en commun.

Nous proposons que la tarification solidaire déjà en vigueur à Strasbourg s’applique systématiquement afin de permettre l’utilisation des transports en commun au plus grand nombre de personnes quels que soient leurs revenus.

En définitive, ce seront les élus de la future grande région qui décideront de la politique des transports en commun. Un secteur qui pour continuer à se développer doit réussir à harmoniser ses pratiques entre les trois régions actuelles et innover pour faciliter le recours aux transports en commun. L’association TC Alsace suivra de près en cette année 2015 les propositions des différents candidats régionaux.

En attendant, bonne et heureuse année 2015 !