Open data en Alsace, où en est-on ?
Nous vous conseillons de le lire en gardant son âge à l'esprit.
Le contexte de l'article peut ne plus être le même à présent.
L’ouverture des données (ou open data) est une philosophie visant à rendre certaines données publiques accessibles à tous, afin d’en faciliter l’exploitation et la reproduction. Depuis quelques années, de plus en plus de collectivités françaises ont mis en place des politiques d’ouverture des données publiques, comme vecteur de transparence et de modernisation de l’action publique.
En novembre 2012, la Communauté urbaine de Strasbourg annonçait vouloir publier quelques jeux de données sous licence libre à titre d’essai. Cette expérimentation était suivie durant l’été 2013 de 64 jeux de données supplémentaires. “Ceci est une révolution.” annonçait à l’époque Roland Ries. Si on peut nuancer ces propos en rappelant qu’à l’époque Strasbourg accusait un retard dans le domaine face à d’autres villes comme Nantes ou Rennes, il est vrai que la ville a su prendre le train en marche et mettre en place une véritable politique d’open data.
C’est donc maintenant près de 80 jeux de données qui ont été mis à disposition par la CUS sur son site. Afin d’accompagner la publication de ces données, la ville a organisé fin 2013 un concours d’applications open data qui a permis de voir émerger pas moins de 26 projets. Une catégorie open data a également été ajoutée au concours Tango & Scan de Strasbourg Creative. Outre ces concours, des expérimentations ponctuelles ont été mises en place lors de grands événements comme la fête de la musique.
La CUS a su impliquer l’ensemble des acteurs de l’open data, en organisant des barcamps et des tables-rondes qui ont permis des concertations avec d’autres institutions comme l’Université de Strasbourg ainsi que des acteurs associatifs comme Alsace Digitale.
Certains projets associatifs ont d’ailleurs commencé à s’approprier les données de la communauté urbaine, comme OpenStreetMap France qui a intégré de nombreuses données de la CUS dans son projet BANO.
Mais la CUS n’est pas la seule collectivité alsacienne à publier des données. Mulhouse a également publié en octobre 2013 une trentaine de jeux de données. En revanche, il est triste de constater que ces données n’ont pas été mises à jour ou enrichies depuis et que pour l’instant aucun concours ou événement ne semble avoir été organisé afin de booster la réutilisation de ces données.
La Région Alsace a quant à elle opté pour la création d’un portail dédié à l’open data et qui se veut “multi-collectivités”. Cette initiative permet de réellement mettre en avant les données mais il est tout de même dommage que ce portail n’héberge pour l’instant que les données de la Région et de la CIGAL alors que ce portail pourrait être une opportunité de rassembler dans un espace facilement identifiable l’ensemble de données des collectivités d’Alsace et d’ainsi en favoriser les croisements. Cela pourrait concerner les données de Strasbourg et de Mulhouse mais également celles de municipalités plus petites qui n’ont pas les moyens de développer un portail open data (certaines n’ont même pas de site web) ; de même que les données de structures plus petites comme la Compagnie des transports strasbourgeois (qui publie une dizaine de jeux de données, mais malheureusement pas sous licence libre) ou la BNU (qui a été la première institution alsacienne à comprendre, dès janvier 2012, l’intérêt d’ouvrir ses données).
Ce portail pourrait également être l’occasion d’offrir une visibilité aux différents projets de réutilisation des données.
La mutualisation reste en effet un enjeu, car si on ne peut que se réjouir de l’augmentation du nombre de collectivités adoptant une démarche d’open data, celle-ci s’accompagne d’un éclatement de la visibilité. Si on veut que ces données soient réellement accessibles à tous, il semble important de rassembler les données dans un espace au sein duquel l’ensemble des acteurs de la communauté open data pourront s’impliquer.
Il s’agit là du principal défi restant à relever pour l’open data : bien que d’immenses avancées aient été accomplies pour une plus grande transparence de la vie politique locale, l’open data reste difficilement appréhendable par le grand public et s’adresse principalement à une audience de développeurs et de startups. La démarche est notamment perçue comme trop technique par une partie des acteurs de l’économie sociale et solidaire qui pourtant partagent avec l’open data les valeurs de transparence, de partage et d’utilité sociale. L’ouverture des données pourrait pourtant devenir un moyen d’impliquer plus fortement les citoyens dans la politique de leur ville en devenant un maillon essentiel du dialogue entre acteurs publics et société civile. Pour cela, de nouvelles formes de réutilisation des données restent à inventer au delà des classiques concours d’applications ; cela pourrait notamment passer par une gouvernance ouverte permettant de favoriser la coproduction des données et la participation des acteurs locaux.
À l’heure où la loi sur la décentralisation prévoit de rendre l’open data obligatoire pour les communes de plus de 3500 habitants, espérons que les collectivités alsaciennes sauront en faire un véritable atout pour le développement territorial.