Le Translohr : une fausse bonne idée
Au lendemain de l’annonce par Nathalie Kosciuko-Morizet, Monsieur Roland Ries, maire de Strasbourg, vice-président de la Communauté Urbaine de Strasbourg en charge des transports et président du GART, a annoncé un projet de tramway léger sur pneu reliant Vendenheim à Strasbourg par la route de Brumtath : en d’autres termes, un Translohr.
[toc depth= »3″ title= »Sommaire »]A première vue, le Translohr peut être une bonne idée : il fait marcher l’économie locale, génère moins de bruit qu’un tramway ou qu’un bus et possède une infrastructure plus légère que nos tramways standard. Pourtant, il s’agit réellement d’une fausse bonne idée.
Un système propriétaire
Le système ayant entièrement été conçu et développé par Lohr Industrie, c’est un système propriétaire. Une fois installé, seul du matériel Lohr peut emprunter ces rails. Ainsi, dans le cadre d’un renouvellement du parc de véhicule, comme nous l’avons déjà connu sur le réseau tramway, le principe du système de guidage déposé empêchera la concurrence de proposer ses offres, permettant à Lohr d’avoir une liberté totale concernant le prix de son matériel.
Il suffit de regarder les villes de Caen et de Nancy qui ont opté il y a quelques années pour un système similaire : le TVR. Aujourd’hui, ce tramway léger sur pneu n’est plus commercialisé par Bombardier et la ville de Caen ne peut étendre son réseau vu qu’il n’est pas possible de trouver un matériel compatible.
Est-il vraiment plus économique ?
À la construction, le Translohr apparaît plus économique qu’un tramway. Mais, contrairement à un tramway, ce type de transport risque de coûter cher à l’entretien. Là où les bogies des rames de tramway peuvent être simplement reprofilées, les pneumatiques du Translohr sont sujets à l’usure et nécessitent jusqu’à deux changements par an.
Sans compter que, contrairement à un tramway, la piste sur laquelle ce tramway léger roule est soumise à un phénomène d’orniérage obligeant les services techniques à une maintenance régulière de la chaussée pouvant avoir un coût assez élevé.
À l’achat, le Translohr est aussi le moyen de transport le plus coûteux du monde par rapport au nombre de passagers transportés. En 2010, le coût du Translohr (hors système de guidage) est de plus de 21 000 € la place contre près de 17 000 € la place pour un tramway standard.
Une rame de Translohr coûte dans les 5 M€ pour 250 places (dont 60 assises) par engin là où un Citadis ne coûtera que 2,5 à 3 M€ pour 291 places (dont 85 assises) par engin.
Le matériel Translohr coûte donc plus de 50% plus cher qu’un tramway, sans compter l’entretien ! Peut-on réellement dire qu’il est plus économique qu’un tramway ?
Le Translohr est dangeureux
Depuis sa mise en service à Clermont-Ferrand, Padoue (Italie) ou Tianjin (Chine), le Translohr accumule les incidents techniques.
Avant même son inauguration, le tramway léger sur pneu de Clermont-Ferrand a connu un déraillement suite à un objet étranger dans les gorges du rail. À la suite de cet incident, Lohr Industrie a installé un dispositif de dégagement d’objet qui n’est guère très efficace, jumelé à la nécessité d’un lavage quotidien des gorges du rail pour éviter les incidents.
Ce mode de transport est aujourd’hui dangereux.
A Padoue (Italie), en 2007, le Translohr a déraillé provoquant des blessés légers et, ce janvier encore, à Clermont-Ferrand, un Translohr a percuté un mur après être sorti de son rail.
Cette facilité au déraillement démontre l’impossibilité d’installer ce système à proximité immédiate d’une route. Le risque d’accident est vraiment trop grand.
Pour finir, il est extrêmement difficile d’aménager la piste de roulement du Translohr étant donné qu’un simple corps étranger dans la gorge du rail provoque le déraillement. Il est donc quasi-impossible de mettre en place une circulation sur des surfaces engazonnées ou sur ballast comme un tramway standard.
Un système incompatible avec notre tramway
Il est important aujourd’hui de ne pas multiplier les technologies sur notre réseau pour garder une cohérence et assurer des possibilités de maillage en cas d’incident.
Il est actuellement impossible de faire cohabiter la technologie tramway avec la technologie Translohr. La mise en place du rail central au sein de notre réseau tramway poserait des problèmes de cohabitation au niveau des aiguillages et des croisements. Cette nouvelle technologie obligerait donc la Compagnie des Transports Strasbourgeois a construire un nouveau dépôt pour ce matériel ou à sérieusement restructurer les actuels en modifiant totalement les schémas de circulation et de stockage.
Aujourd’hui, comment est-il encore possible de songer installer un mode de transport dans l’agglomération qui ne soit pas compatible avec le tramway ?
Même s’il est destiné à l’axe Strasbourg – Vendenheim, le Translohr ne pourra pas éviter de croiser le réseau tramway dans l’agglomération, surtout au niveau de son terminus dans Strasbourg.
Le Translohr ne pouvant pas rouler sans être guidé par rail (il n’y a pas de volants dans le Translohr), l’incompatibilité des deux systèmes montre bien que le Translohr n’a pas sa place dans notre réseau.
Oui, le Translohr est une fausse bonne idée pour Strasbourg
De tramway, le translohr n’a que le nom et l’apparence. Les nouvelles technologies sont souvent attirantes, mais lorsqu’il s’agit d’une adaptation d’un produit qui a connu une vie courte et mouvementée (Le TVR de Bombardier équipant les villes de Caen et Nancy), il s’agit de se méfier. A Strasbourg, nous avons un réseau de tramway étendu, dont le système de roulement sur fer a fait ses preuves avec plus d’un siècle d’existence. L’association recommande donc l’abandon total de tout projet Translohr sur l’agglomération strasbourgeoise. Nous estimons en effet qu’il serait plus judicieux d’étendre le réseau de transports par des technologies fiables et éprouvées tels que le BHNS (qui n’est autre qu’un bus en site propre, donc une technologie largement au point) ou le tramway.
Sur cet axe, l’association recommande la création d’un tramway. Les coûts ? Faibles si on intègre différemment le tramway au sein de la ville. Il suffit pour cela que le tramway se contente d’une voie unique, avec des évitements en station, permettant aux rames de se croiser. Le tramway prendrait ainsi moitié moins de place que s’il était doté d’une double voie tout en conservant son site propre intégral. Dans les zones peu urbanisées qu’il croisera, nul besoin de gazon ou de pavés : une voie sur ballast – comme le réseau ferré national – suffira, limitant ainsi le coût et l’entretien. L’offre serait tout de même attractive, puisque l’évitement en station permet de faire circuler aisément des rames toutes les 4 à 8 minutes. On garde ainsi la technologie de tramway ferré, on peut se permettre d’utiliser n’importe quelle rame circulant actuellement (avec évidemment de nouvelles rames pour faire face à l’augmentation de l’offre) et de créer des nouvelles liaisons en gardant le même mode de transport.
Certes Lohr est une entreprise locale qui a fait ses preuves dans certains domaines, mais il s’agit avant tout de penser au devenir du Translohr et aux générations futures, qui devront probablement payer pour réparer les erreurs de nos dirigeants d’aujourd’hui. Mais il n’est pas trop tard pour faire marche-arrière…